Bioéthique


Qu’est-ce que la bioéthique?
La bioéthique se présente comme un nouveau champ d'interrogations éthiques concernant les pratiques technoscientifiques appliquées à l’être humain. Son objet s’applique plus particulièrement aux transformations biomédicales sur l’être humain. La définition de la bioéthique reste cependant toujours l’objet de vives discussions. Il faut dire que le néologisme « bioéthique » est d’abord le titre d’un livre de Van Rensselaer Potter intitulé bioethics : Bridge to the future, publié en 1971, aux États-Unis. Potter se proposait alors de bâtir une éthique utilisant les sciences biologiques pour améliorer la qualité de vie. Or, à la fin des années soixante, des universitaires américains (théologiens, philosophes mais aussi des scientifiques et des médecins) se sont interrogés ensemble sur le développement technologique dans un contexte de remise en question des sources d’autorité et d’expertise (institutions dont la science et la médecine, État, religion). Un des deux premiers centres de recherche, le Kennedy Institue va prendre l’initiative de l’Encyclopedia of bioethics qui sera publiée en 1977, et qui va donner durablement le ton aux développements ultérieurs de ce nouveau champ de questions.

Les mots de la bioéthique
Dans une acceptation élargie, le champ de la bioéthique se définit comme « un lieu de questions éthiques et de réponses normatives concernant les impacts des techno-sciences sur l’être humain et son environnement ». Dans son acceptation étroite, celle qui a prévalu aux États-Unis, ce champ de questions se trouve réduit aux développements biomédicaux. D’ailleurs, la bioéthique américaine des années 1970 et 1980 a focalisé sur l’analyse de la relation patient-médecin, faisant la promotion du concept de consentement libre et éclairé du patient.
Englobant, mais dépassant l’éthique médicale et la déontologie médicale, la bioéthique va donc s’intéressé aux pratiques des professionnels de la santé, en particulier l’ensemble des problèmes éthiques que suscitent les avancées en biomédecine (nouvelles technologies) et les changements sociaux (revendications sociales d’autonomie et de participation démocratique).
Au plan méthodologique, la bioéthique est caractéristique par le dialogue pluridisciplinaire qui présente d’emblée des tensions.
L’enjeu est le décloisonnement des disciplines afin de construire une représentation du réel la plus adéquate et la plus vraie à partir de laquelle une décision éthique devient possible. Cette pluridisciplinarité se rapporte à des pratiques techno-scientifiques diverses (médecine, biologie et leurs multiples spécialisations), et ensuite à des disciplines qui sont appelées à confronter leurs points de vue : d’abord l’éthique et le droit, la philosophie, la théologie, et puis d’autres sciences humaines (sociologie, anthropologie, sciences politiques, psychologie, psychanalyse, économie, etc.). Le dialogue pluridisciplinaire permet de rendre compte de la complexité des problèmes qui se posent. Chacune des disciplines contribue à donner des facettes complémentaires au problème éthique envisagé, en construisant cette représentation du réel dans un langage devenu commun. L’importance des contributions disciplinaires est à la mesure des transformations que la technique biomédicale implique sur la société.
Ensuite, la bioéthique se présente sous la forme de discours (écrits divers) et de pratiques normatives (enseignement, participation à des comités d’éthique, consultation dans les hôpitaux). Ces pratiques, comme ces discours, ont très souvent une visée normative pour orienter l’action tout en étant reliés à des perspectives spéculatives ou théoriques. La bioéthique est caractérisée par cette forte interaction langagière biomédicale.
La bioéthique crée donc un espace d’interactions communicationnelles dans l’espace public, ouvert et pluraliste, où différents groupes peuvent exprimer et discuter du sens de leurs croyances et de leurs valeurs, remises en question par le développement biomédical.
Les deux principales méthodes éthiques diffusées dans la littérature bioéthique américaine et permettant cette visée normative sont, d’une part, une forme de casuistique qui fonctionne par analogie de cas en tenant compte des conséquences et du contexte particulier, et d’autre part, une forme d’universalisme formel par lequel on cherche à identifier des normes générales qui permettraient d’atteindre un consensus étendu à la société, voire à l’humanité. L’un comme l’autre ont comme arrière-plan le pragmatisme américain. Du côté européen, la référence éthique s’ancre dans la philosophie des Droits de l’homme, qui constitue le commun dénominateur. Parce que venant bousculer les formes traditionnelles de la filiation et de la parenté inscrites dans le droit, les procréations médicalement assistées ont fait l’objet des premiers rapports et avis des différents comités ou commissions d’éthique en Europe dès le début des années 1980. La bioéthique européenne a donc plus directement questionné le développement techno-scientifique et ses incidences sur les structures sociales alors que la bioéthique américaine a interrogé ce développement à l’intérieur du cadre de la relation patient-médecin.
La bioéthique, même si elle se globalise, est d’abord un phénomène de pays occidentaux qui produisent et utilisent des technologies. Qu’elle soit américaine ou européenne, la bioéthique s’inscrit de façon plus ou moins critique dans le projet de la modernité.

Aucun commentaire: